Je m’ennuie de la mer. La mer me manque.
Pas celle du Costa Rica, celle de chez moi, la mer du nord.
Quand tu grandis sur le bord de la mer,
elle fait partie de ton paysage. C’est ta mer et tu la prends un peu pour
acquis. Elle te regarde grandir, elle ne te juge pas, elle reste là, toujours
là.
Toi aussi tu la regardes. Tu la regardes
changer, tu la regardes s’éloigner, puis revenir. Elle finit toujours par
revenir. Parfois, tu la voix se fâcher, elle te fait peur un peu, mais elle
reste toujours belle malgré les intempéries.
Tu te rappelles des feux de camp, sur le
bord de celle-ci, quand la lune brillait sur ses eaux calmes et que l’air salin
te pétillait les narines. Tu te rappelles aussi des soirées, à la pêche aux
capelans, quand la mer t’offrait des vagues d’argent frétillantes. Tu te
rappelles le rire des enfants qui essayaient de prendre le poisson dans leurs
petites mains.
« Ark! C’est dégueu! »
Pas tant.
Tu te rappelles quand tu allais nager.
Même quand l’eau était ben frette. Tu te rappelles mettre la pointe de ton gros
orteil dans l’eau et reculer sur la berge rapidement. Jamais tu n’allais entrer
dedans, pas quand elle est aussi froide, jamais! Mais tu viens du nord, l’eau
froide, ça te connaît et tu entres quand même. Parce que tout le monde le
sait : Quand t’es entré au complet, c’est moins pire.
Tu te rappelles de ton adolescence, quand
tu allais te baigner avec un t-shirt parce que tu étais beaucoup trop gênée
pour montrer ton corps. Tu te voyais vraiment pire que ce que tu étais. Tu n’as
jamais été grosse et tu le sais.
Puis, un jour, tu es partie. Tu as quitté
la mer pour la ville. Tu ne regrettes pas ton choix, mais des journées comme
aujourd’hui. La mer te manque.
La mer te manque tellement que tu
regardes des photos. Tu la regardes devenir reine, devenir miroir, devenir
forte et fière, mais l’ennuie reste et te ronge. Tu as même essayer de la
peindre tellement elle te manquait. Mais ce fût sans succès, bien que la
peinture soit un de tes hobbys, tu ne réussies pas à lui rendre justice. Les
trois petites toiles rectangulaires que tu as faites te semblent abstraites et
étranges. Ça ne ressemble à rien, sauf peut-être à ta mer intérieure.
Tu accrocheras quand même ces toiles
parce que tu trouves que ton appartement manque de décoration. Tu les mettras
dans la salle de bain, à côté du miroir. Puis, si un jour quelqu’un te demande
d’un air dégoûté « Mais? Fuck?! C’est quoi ça?! » Tu diras que tu les
a trouvées au marché au puce à Charlesbourg et que tu trouvais qu’elles
s’agençaient bien à ton rideau de douche.